LA NÉCESSITÉ DE LA STRATÉGIE ÉCONOMIQUE
La guerre en Ukraine met en exergue la problématique de la dépendance. Nous constatons qu’en France, nous n’avons pas mis en œuvre des politiques économiques axées sur la stratégie depuis quarante ans déjà.
La notion de dépendance est capitale en économie car elle apparaît directement lors des crises ou lorsqu’il s’agit de mettre en place des plans stratégiques. La préparation d’examens ou de concours nécessite la compréhension de notions comme la « dépendance » qui sont assez peu abordés mais qui nécessitent la mobilisation de l’analyse économique.
À la fin de cet article, vous devriez être en mesure de maîtriser plusieurs problématiques :
Lors des deux chocs pétroliers de 1973 et de 1980, le gouvernement de l’époque, présidé par M. Valéry Giscard d’Estaing a compris dès 1973 la mesure des dangers. Le prix de l’énergie fut multiplié par quatre entre 1973 et 1974. Le prix du baril de pétrole qui était de 4 dollars en 1973 passa à 16 dollars en 1974. C’est à ce moment que la facture pétrolière des pays occidentaux s’accrût alors de façon démesurée.
La réaction gouvernementale en France fut immédiate et l’on assista à la mise en chantier de centrales nucléaires à usage civil, pourvoyeuses d’électricité. Ce fut un grand succès, car dès la première moitié des années 1980, il y eut le contrechoc pétrolier, marqué par une forte baisse du prix du pétrole. En effet, dans d’autres pays la réaction fut la même qu’en France, ce qui réduisait la dépendance énergétique basée exclusivement sur le pétrole.
C’était une période difficile et cela stimula la mise en œuvre d’autres grands ouvrages comme celui du train à grande vitesse (TGV) ou du programme spatial. Ces derniers n’avaient rien à voir avec les chocs pétroliers, mais ils mettaient en évidence l’approche en termes de stratégie économique dans des secteurs très divers. Nous faisions alors partie des leaders mondiaux dans plusieurs secteurs utilisant les technologies de pointe.
On le voit, la stratégie économique peut être provoquée par une crise (chocs pétroliers, crise sanitaire) ou peut se faire en dehors de tout événement exceptionnel qui rend une nation dépendante des autres. C’est par la réflexion et la vision de l’avenir que l’on prépare le mieux les nations à affronter des crises et cela doit se faire dans le cadre de plans stratégiques.
En France, la mise en place effective de tous ces grands projets constituaient un véritable « plan Marshall » axé sur des besoins réels. Ils stimulaient en outre la croissance économique et participaient pleinement à la création d’emplois. Rappelons qu’en 1980 le ratio de la dette publique sur le produit intérieur brut (PIB) était en France de 20%, après mise en œuvre de tous ces grands projets.
Ces exemples montrent l’importance de la stratégie économique pour une nation. Dans les années 1980, on abandonna la stratégie économique et les gouvernements successifs ne prirent pas la mesure de l’internationalisation de l’économie mondiale. En France, le discours exclusif fut que l’on ne pouvait rien faire, car la mondialisation était forcément destructrice d’emplois.
Dans d’autres pays, ce fut l’inverse, car pour eux il fallait repenser la stratégie économique pour tirer partie des bénéfices de la mondialisation. Les pays comme l’Allemagne, la Grande-Bretagne, les Pays-Bas, l’Autriche, la Suisse, la Finlande et plus récemment la République Tchèque pour ne citer que les pays européens, adoptèrent une attitude contraire à la nôtre.
Ils n’ont pas à le regretter aujourd’hui, car ils cumulent plusieurs paramètres positifs : le plein-emploi, un haut niveau de vie, une balance commerciale structurellement excédentaire pour la plupart d’entre eux, un haut niveau d’industrialisation. La Grande-Bretagne se réindustrialise progressivement même si elle n’atteint pas encore le niveau des autres pays.
La guerre en Ukraine avive et remet à l’ordre du jour la question de la dépendance pour les pays qui ont manqué de stratégie économique.
Conclusion
Pour s’affranchir des dépendances vitales, il y a l’impérieuse nécessité de mettre en place des plans stratégiques. La réflexion précède toujours l’action. Les pays qui ne le font pas doivent subir les conséquences de leur inaction et entrent alors dans des dépendances multiples qui peuvent être alimentaires, énergétiques ou industrielles (semi-conducteurs par exemple). Le prix à payer est alors considérable.
Philippe Narassiguin